Vincent Riou analyse la 2e Vendée Arctique

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Vincent Riou fait partie du cercle très fermé des marins ayant remporté le Vendée Globe (en 2004-2005), une épreuve à laquelle il a participé à quatre reprises. Très expérimenté en IMOCA, il est un observateur avisé de la Vendée Arctique – Les Sables d’Olonne. Concept de l’épreuve, décisions de la direction de course, enseignements sportifs, domination de Charlie Dalin : le point de vue de Vincent Riou est instructif. 

Vincent, que pensez-vous du concept de la Vendée Arctique – Les Sables d’Olonne ?

Vincent Riou : Il est très bon. La Vendée Arctique est un excellent entraînement en vue du Vendée Globe, une occasion quasi unique de se confronter à des conditions de vent et de froid extrêmes. Sur cette course, les marins apprennent à malmener leur bateau et à aller vite dans la mer dure. Je trouve le parcours enthousiasmant mais pas facile à exécuter. Il peut vite être raccourci, modifié, annulé car on passe à 90 degrés de la route des dépressions qui se trouvent dans le système perturbé de l’hémisphère nord.

Le tour de l’Islande en course en IMOCA est donc possible mais pas toujours réalisable…

Vincent Riou : Oui, il faut être lucide et accepter le fait qu’en trois éditions, peut-être une seule fera le tour de l’Islande. Est-ce une raison pour ne pas se fixer cet objectif ? Je ne pense pas. Les marins qui prennent le départ savent qu’ils ont peu de chances de faire le parcours dans son intégralité mais qui ne tente rien n’a rien ! Quoi qu’il arrive, c’est toujours motivant de partir sur une nouvelle route et de naviguer dans des endroits reculés. Je ne suis pas choqué que les coureurs n’aient pas pu faire le tour de l’île cette année. Ce sera la prochaine fois et ce n’est pas grave. Ce serait dommage de changer de destination ou de dire que le parcours n’est pas cohérent.

Que pensez-vous des décisions prises par la direction de course, avec au final l’arrêt de l’épreuve à la porte islandaise ?

Vincent Riou : J’ai pris l’habitude de respecter les choix des arbitres. La position d’un directeur de course n’est jamais simple, il a beaucoup de responsabilités et de pressions sur les épaules. On vit quand même dans une société qui nous pousse vers un maximum de sécurité et de maîtrise des risques. On voit d’ailleurs que les départs de courses sont souvent décalés en cas de mauvais temps. Ceci dit, la décision prise par le directeur de course sur cette Vendée Arctique est tout à fait respectable. Il avait beaucoup plus d’informations et de données que nous pour la prendre. Au final, la course a duré deux fois moins longtemps que prévu mais elle a tout de même été juste, l’équité sportive a été respectée.

« Charlie Dalin est un virtuose de la navigation en solitaire »

Quels enseignements les marins ont-ils pu tirer de cette confrontation ?

Vincent Riou : Ils ont tous pu évaluer leur niveau de performance, leur capacité à s’adapter à des situations changeantes et à des conditions plus rudes que celles qu’ils ont l’habitude d’affronter. Ils ont fait un pas supplémentaire dans leur préparation technique et sportive. Ils ont vécu un très fort coup de vent mais c’est quelque chose que des marins comme eux doivent être capables d’encaisser s’ils veulent prétendre à faire le prochain Vendée Globe avec un bon niveau de sécurité.

Comment analysez-vous les bonnes performances des IMOCA à dérives droites ?

Vincent Riou : Le passage de la dorsale dans le sud-ouest de l’Irlande a été un moment décisif. On a pu constater que dans ces conditions de petits airs les foilers modernes n’avaient pas forcément les meilleures armes pour s’en sortir. À l’inverse, les IMOCA à dérives droites ont pu tirer leur épingle du jeu. En fonction des conditions météo, tout le monde a ses chances. C’est sympa, cela démontre qu’il y a encore de la place pour pas mal de monde sur le Vendée Globe. Quelques heures après cette période de calme les choses sont revenues « dans l’ordre » car les meilleurs marins avec les meilleurs bateaux ont repris la tête de la flotte.

Avez-vous été surpris par les très hautes vitesses tenues par les foilers en début de course ?

Vincent Riou : Pas vraiment. Il va falloir s’habituer à observer de telles vitesses quand les conditions leur seront favorables. L’IMOCA foiler est né en 2015, il n’est pas encore tout à fait mature. Il navigue en mode « semi volant » car il ne dispose pas de tous les artifices (Vincent fait référence aux plans porteurs sur les safrans, interdits par la jauge IMOCA, NDR). Les meilleurs commencent quand même à aller très, très vite. C’est la preuve que le pari des foils est réussi. Cela n’a pas toujours été évident les premières années mais on touche du doigt le moment où ces bateaux vont beaucoup plus vite dans certaines conditions. Le début de la Vendée Arctique l’a prouvé.

Comment expliquez-vous la domination sans partage de Charlie Dalin sur les deux dernières courses en solitaire, la Guyader Bermudes 1000 Race et la Vendée Arctique ?

Vincent Riou : C’est un tout : le marin, la machine et l’harmonie entre les deux. Charlie est un virtuose de la navigation en solitaire. Il l’a démontré pendant des années en Figaro et confirme en IMOCA. Il ne fait pas beaucoup d’erreurs dans la stratégie et l’utilisation du bateau. Il prend de plus en plus confiance car il dispose d’un excellent bateau qu’il a très bien mis au point avec ses équipes. J’ai la chance d’être un observateur privilégié car je suis intervenant sur les stages d’entraînement des IMOCA au Pôle Finistère Course au Large de Port-la-Forêt. J’observe qu’Apivia est l’IMOCA le plus polyvalent et le plus performant dans les conditions de vent medium. Cela paye souvent car c’est toujours le bateau qui démarre le plus vite. Charlie domine sur l’ensemble du jeu, il est quasiment tout le temps devant et ne laisse pas beaucoup de place aux autres.